Faut-il se réjouir de l’inscription du Hip Hop en tant que discipline olympique pour 2024 ?
C’est une excellente nouvelle, une belle reconnaissance pour une discipline née dans les quartiers pauvres aux États-Unis. Nous devons toutefois rester vigilants. D’un côté c’est un art qui évolue sans cesse, invente et improvise ; de l’autre, c’est un sport qui fait appel à des qualités athlétiques. Certaines figures exigent beaucoup de préparation physique. En devenant une discipline olympique, on court le risque de ramener cette activité à une performance sportive comportant des figures imposées et de perdre, de ce fait, la dimension artistique, ce qui serait désastreux.
Ce mode d’intégration comporte-t-il d’autres risques ?
Il pourrait devenir une nouvelle forme d’exclusion. A l’heure actuelle, tout le monde, quels que soient son origine, son sexe sa taille ou son poids, peut pratiquer cette danse. C’est juste une question d’envie, de persévérance et de goût de l’effort. Plus on privilégiera la performance au détriment de l’artistique plus ceux qui ne correspondront pas au "profil" physique requis, risqueront d’être exclus. Un risque que ne mesure pas la nouvelle génération qui ne connaît pas grand-chose de l’origine et de l’histoire du Hip-Hop. Ces jeunes ont juste envie de danser et sont très attirés par le côté sportif qui peut être très spectaculaire.
En même temps vous militez en faveur d’une professionnalisation des danseurs
Quand on sait que près de la moitié des sportifs de haut niveau vit sous le seuil de pauvreté, on mesure mieux combien il faut mettre en place les structures nécessaires pour accompagner, former et offrir des perspectives aux breakers, notamment en matière de reconversion. Il faut aussi leur montrer que l’univers du Hip-Hop peut offrir différentes opportunités professionnelles dans le domaine sportif, de l’informatique, de la vidéo ou de la création artistique. Il est possible de créer une sorte d’écosystème autour du Hip-Hop.
Qu’en est-il des sponsors ?
Après avoir été cantonné à la marge, le Hip-Hop s’est répandu dans le monde entier et a investi toutes les couches de la société. C’est devenu une industrie qui vend tout et n’importe quoi et brasse des milliards. Certaines réalités économiques étant incontournables, il ne s’agit pas de fermer la porte aux sponsors mais de ne pas se laisser submerger par des logiques libérales et de faire au mieux pour rester en partie maître du jeu en optant pour des sponsors éthiques. Un beau défi.
Muriel Scibilia